Pierre Rolinet n’est plus
Notre Président d’honneur s’en est allé paisiblement dimanche 24 avril 2022, à l’aube de la Journée nationale du Souvenir des Victimes et Héros de la Déportation, à quelques semaines de ses 100 ans.
Une gerbe de l’Amicale déposée au pied du portail d’entrée du camp marque la Journée nationale du Souvenir de la Déportation en ce 24 avril 2022. En Médaillon : Pierre Rolinet à son domicile le 4 décembre 2021 – Crédits photos : CERD-Struthof et Jean-Luc Schwab
Né le 4 juin 1922 à Allenjoie (Doubs) dans une famille de cultivateurs, Pierre se forme au dessin industriel chez Peugeot où il va accomplir toute sa carrière professionnelle. Après avoir connu la débâcle de 1940 en tentant de rejoindre les ateliers Peugeot repliés sur Bordeaux, il revient dans sa région natale où l’usine automobile est passée sous contrôle allemand. Refusant d’emblée des contrats de travail volontaire pour Allemagne, il refuse également le STO. Ayant simulé un départ pour l’Allemagne, il entre en clandestinité et intègre l’Organisation civile et militaire du secteur de Glay, proche de la frontière suisse. Arrêté en novembre 1943 à la suite d’autres membres de sa cellule, il est incarcéré dans les prisons de Montbéliard, Besançon puis Fresnes. Déporté Nuit et Brouillard quelques mois plus tard, il arrive au Struthof le 14 avril 1944 et devient le matricule 11902 NN. Il est affecté à divers tâches et fait l’expérience de la brutalité du camp, à la carrière notamment. Après avoir contracté le typhus, il est envoyé plusieurs semaines au « Revier », l’infirmerie du camp, où il accompagne le général Frère qui y succombe de maladie. Pierre fait également l’expérience de la solidarité entre détenus et y prend part, à la demande des déportés communistes qui ont mis en place des structures de soutien malgré le dénuement généralisé.
Évacué vers Dachau en septembre 1944, il y devient le matricule 101460, est transféré au camp annexe d’Allach qui fournit la main d’œuvre à une usine BMW où Pierre va passer le reste de sa détention concentrationnaire jusqu’à la libération par les troupes US le 30 avril 1945. Après son retour en France et une période de convalescence de plusieurs mois, il reprend le travail et épouse Jacqueline avec qui il aura trois fils.
Infatigable témoin, engagé pour la mémoire de la Déportation depuis sa retraite, Pierre avait présidé l’Amicale de 2007 à 2017. Il fut son dernier président issu des rangs des rescapés du KL Natzweiler, raison pour laquelle il avait été nommé Président d’honneur, conformément à la révision de nos statuts en 2018. Récipiendaire de nombreux titres et décorations, il était notamment Commandeur des Palmes académiques, titulaire de la Médaille militaire et de la Croix de guerre 1939-1945 avec Palme et Commandeur dans l’Ordre national de la Légion d’honneur. Son départ laisse un grand vide chez ceux qui l’ont connu et apprécié mais son souvenir demeure avec nous.
À sa famille, ses proches et toutes les personnes qui l’ont connu et apprécié, le Conseil d’administration de l’Amicale présente ses sincères condoléances. Les obsèques auront lieu samedi 30 avril à 14h00 au temple de Dambenois (Doubs) et seront suivies de l’inhumation dans l’intimité familiale au cimetière de son village de Brognard, là où reposait déjà son épouse Jacqueline, décédée en mars 2020. Un hommage lui sera rendu sur le site du Struthof en septembre prochain, ainsi qu’aux autres déportés disparus depuis le début de cette année.